Séminaire 2005

Partage international no 209février 2006

par Benjamin Creme

L’article suivant est la transcription d’une conférence donnée par Benjamin Creme, à l’occasion de la rencontre des groupes de transmission, qui s’est déroulée près de San Francisco, aux États-Unis, en août 2005.

Cette conférence a pour thème l’art de vivre. Il s’agit probablement du sujet le plus important dont on puisse parler, même si la vaste majorité des gens n’a aucune idée que vivre est un art. Puisqu’il s’agit d’un art, il ne peut être laissé au hasard. Les lois et les règles sous-jacentes à l’art doivent être comprises et suivies. Ce n’est qu’alors que nous connaîtrons un monde dont tous les habitants entretiendront de justes relations et exprimeront leur aspect divin, leur divinité potentielle. Si nous ignorons qu’il existe des lois et des règles, nous aboutirons, comme aujourd’hui et à toutes les époques précédentes, à un véritable gâchis, à une situation catastrophique, en total décalage avec l’idée d’un art.

Un art, qu’il s’agisse de peinture, de musique, ou de tout autre forme d’art, doit obéir à certaines lois et règles. Si vous voulez être peintre ou compositeur, vous devez apprendre les lois auxquelles obéissent la création artistique, les méthodes également, mais, avant tout, les lois qui gouvernent la création artistique, comme les proportions et la révélation. La magie de l’art est contenue dans l’obéissance à ces lois. En plus de ces lois, il existe des règles qui, dans certains cas, à certaines périodes de l’Histoire, ont été suivies littéralement pendant des milliers d’années sans le moindre changement apparent. Certains objets d’art de ce genre sont encore produits aujourd’hui dans des groupes religieux obéissant à des canons, vieux de plusieurs siècles, de beauté, de justesse et de vérité, des canons de sainteté et de justes relations de l’homme avec Dieu, et par conséquent de l’homme avec ses semblables.

La plupart des peintres et des compositeurs modernes ont élargi les limites de ces canons et les ont assouplis, et créé un art qui, même s’il obéit aux lois et aux règles de son sujet, le fait d’une manière très désinvolte, hasardeuse et improvisée, instinctive et pas très élaborée. L’art qui ne respecte aucun canon est relativement superficiel. Cela ne signifie pas qu’il ne vaut rien, mais il est superficiel et n’atteint pas la profondeur de sens d’une forme d’art plus élevée.

Nous vivons à une époque d’extrême désordre – sur le plan politique, économique et social. Nous le savons tous. Progressivement les masses en prennent conscience et commencent à réagir et à difficilement supporter ces structures inadéquates, ces lois et ces habitudes négatives – en d’autres termes ce conditionnement – et elles cherchent à y échapper. Ceci est à l’origine de l’agitation que nous constatons aujourd’hui.

Si vous êtes peintre, vous savez qu’il existe certaines lois concernant les proportions que, d’une manière générale, la plupart des artistes suivent, ne serait-ce qu’instinctivement, ayant l’habitude de les voir appliquées dans l’art qui respectait réellement les règles de composition, les lois de la proportion. Même s’il s’agit d’un art très conventionnel, dépourvu d’originalité, s’il obéit à ces lois dans une certaine mesure, même instinctivement, sans beaucoup de compréhension, le morceau de musique ou le tableau sera utile et intéressera quelqu’un. Il pourra contenir une tonalité qui plait toujours ou avoir de jolies couleurs et des proportions qui réjouissent l’œil.

Aucune œuvre d’art ne peut être réalisée, quelles que soient les circonstances, sans que l’artiste obéisse d’une manière ou d’une autre à une loi, une règle ou une marche à suivre, ne serait-ce qu’à son insu. Plus l’artiste est doué, plus il sera conscient de cela et mieux il parviendra
à réaliser son but. L’artiste conventionnel se contentera du premier stade. L’art conventionnel d’une époque donnée, qu’il s’agisse de peinture ou de musique, est populaire et ne dépasse pas le niveau de compréhension de la plupart des gens.

Le peintre commence par prendre un support. Puis il se met à le couvrir de formes ou de touches colorées jusqu’à ce que sa création obéisse à la loi de la beauté, selon la conception qu’il a de celle-ci, jusqu’à ce que cela lui semble juste, que tout soit en place, si conventionnel que le tableau puisse être. Chaque angle, chaque courbe sont liés au rythme général du tableau. Celui-ci possède une certaine forme de vie, même si elle reste conventionnelle. Une vibration en émane qui pousse les gens à acheter le tableau et à le fixer au mur. Sans cette vibration, personne ne l’achèterait, si simple et conventionnel puisse-t-il être.

Si vous êtes compositeur, vous devez savoir comment se compose la musique. Vous devez comprendre les lois de l’harmonie et de nombreuses autres lois et propriétés de la musique, selon la complexité de l’œuvre. Vous devez être capable d’écrire la partition. Vous devez toujours rechercher l’achèvement, reconnaître jusqu’où vous pouvez aller, quelle longueur doit avoir le morceau. Les compositeurs ont créé au cours des siècles des œuvres musicales de longueurs variées, mais quelle que soit leur longueur, elles doivent obéir aux lois de la composition. Elles doivent obéir aux lois du contrepoint, de l’harmonie, de l’instrumentation et de la tonalité. Une somme énorme et riche de connaissances entre dans la production d’un morceau de musique complexe, si conventionnel puisse-t-il être en termes de signification.

Mais, dans la vie, les gens n’ont aucune éducation réelle. Si vous voulez être peintre, vous allez dans une école d’art, ou dans l’atelier de quelqu’un ayant déjà atteint une certaine maturité artistique et vous vous instruisez auprès de lui. Il en va de même pour les musiciens, ils s’instruisent auprès d’autres musiciens. Ils vont dans une école de musique et étudient les rudiments de la musique. Ces rudiments sont essentiellement les lois gouvernant la création musicale.

En matière d’éducation, on nous apprend à lire et à écrire, ce qui naturellement est très important. On nous enseigne généralement un peu d’histoire, de géographie, d’arithmétique, de mathématiques et c’est à peu près tout. On nous enseigne également dans une certaine mesure comment acquérir des connaissances concrètes qui nous permettront d’exercer un métier particulier, et c’est tout. On ne nous enseigne pas comment vivre. On ne nous enseigne pas l’art de vivre. Il n’existe aucune école où nous puissions apprendre l’art de vivre.

Il s’agit d’un problème spirituel, car l’art de vivre est rattaché à la vie elle-même. Il dépend de nos croyances concernant la vie, de l’importance que nous accordons à la nécessité d’en pénétrer plus profondément la nature, ou d’essayer d’analyser et de comprendre ce qui est essentiel dans la vie à une époque donnée. Nous vivons aujourd’hui à une époque extraordinaire, une époque de transition entre deux grandes ères, si bien que ce qui semblait immuable auparavant ne l’est plus. Les connaissances qui semblaient certaines ont cessé de l’être. Tout ce que nous voyons, c’est le passé et des aperçus possibles du futur, et nous nous tenons au milieu, déchirés.

J’aimerais approfondir cette idée, en vous lisant un article que mon Maître a écrit pour le numéro de juillet-août 2000 de Partage international.

 

Entrer dans la divinité

Dans le monde entier, les hommes commencent à se rendre compte que des certitudes et des croyances qu’ils tenaient pour inébranlables se révèlent plus précaires qu’ils ne l’avaient supposé. L’effondrement de leurs institutions sociales et politiques met en question la valeur des schémas de pensée établis, et les place devant un dilemme : tandis que les modes de pensée et d’action présents semblent ne plus fonctionner, ceux que recèle l’avenir sont encore flous et incertains. Ainsi les hommes se tiennent-ils dans l’indécision, attendant qu’on les guide, s’égarant en vaines tentatives de perpétuation du passé ou de prédiction du futur. En de telles circonstances, les hommes sont mûrs pour le changement.

Il en est peu qui connaissent la direction ou l’étendue de la transformation nécessaire, ou encore la manière dont elle peut s’accomplir, mais graduellement, beaucoup commencent à s’apercevoir que l’actuelle manière de vivre des hommes est dénuée de sens, dépourvue de toute perspective de bonheur pour l’humanité. Ainsi, en nombre croissant, ils « décrochent » de la lutte, cherchant réconfort et équilibre dans des religions, des philosophies ou des « cultes » de plus en plus nombreux, anciens ou d’apparition récente. Les changements nécessaires leur semblent trop vastes et trop radicaux pour s’y atteler avec quelque chance de succès, et ils se tournent intérieurement vers le Dieu qui, leur semble-t-il, gouverne les affaires des hommes.

Qu’ils en aient conscience ou non, ce Dieu n’est autre qu’eux-mêmes, et n’attend que l’occasion de se manifester. C’est eux-mêmes qui contrôlent leur vie, en bien ou en mal. C’est eux qui, par leurs actions, font tourner la roue des événements, générant le conflit ou la paix, semant la mauvaise ou la bonne volonté.

Les hommes doivent apprendre leur rôle dans la vie et le pouvoir inné qui est le leur, prenant ainsi la responsabilité de la qualité et de la direction de leur vie. A moins qu’ils ne le fassent, ils ne laisseront jamais derrière eux leur enfance.

Maitreya pénètre maintenant dans l’arène du monde pour apprendre aux hommes qu’ils sont potentiellement des dieux, que grande est leur puissance, et que seul leur conditionnement les rend esclaves de la superstition et de la peur, de la compétition et de la cupidité. Il leur montrera comment renoncer au passé pour construire, sous sa sage supervision, une civilisation digne des hommes qui entrent dans leur divinité. Le jour n’est pas éloigné où les hommes, entendant son appel, y répondront. Le jour n’est pas éloigné où ils sauront que la longue et sombre nuit prend fin, et que l’heure est venue d’accueillir la lumière nouvelle qui pénètre dans le monde.

Ainsi les hommes commenceront-ils la tâche de reconstruction, tâche qui réclamera la force et la volonté de tous. Tous doivent voir en cette période une opportunité de servir et de grandir, d’accomplir la destinée qui les a amenés maintenant dans le monde. Quand, dans les temps à venir, les hommes se tourneront vers l’époque exceptionnelle que nous vivons, ils s’étonneront de l’iniquité présente, et auront peine à croire que nous ayons pu tolérer si facilement la cruauté et les souffrances inutiles dont notre vie est entachée. Maitreya vient livrer bataille à ce mal séculaire, et conduire les hommes vers l’ère de la Lumière. Accueillez-le en lui tendant la main, et permettez-lui de vous guider vers votre Soi véritable. [Le Maître de Benjamin Creme, PI, juillet-août 2000]

Voici un autre article que je commenterai ensuite :

L’Art de vivre

Avant longtemps, un grand changement se manifestera dans notre approche de la vie. Du chaos de l’époque actuelle, émergera une nouvelle compréhension de la signification sous-jacente à notre existence et un effort maximum sera fait pour exprimer cette nouvelle conscience dans notre vie quotidienne. Ceci entraînera une totale transformation de la société : une vitalité nouvelle marquera nos relations et nos institutions ; une nouvelle liberté et un sentiment de joie remplaceront la peur d’aujourd’hui. Avant tout, l’humanité réalisera que vivre est un art basé sur certaines lois, et dont la juste expression repose sur l’intuition.

L’innocuité est la clé de la beauté nouvelle qui émergera au sein des relations. Chaque individu prendra conscience qu’il est responsable de ses actes et de ses pensées et ce sentiment nouveau le guidera dans toute situation ; la compréhension de la loi de cause et d’effet transformera l’attitude de chacun à l’égard d’autrui. Des relations nouvelles et plus harmonieuses entre les hommes et entre les nations remplaceront la compétition et la méfiance d’aujourd’hui. Progressivement, l’humanité apprendra l’art de vivre, qui apportera à chaque instant l’expérience du neuf. Les hommes ne vivront plus dans la crainte de l’avenir ni de leurs semblables. On ne verra plus des millions d’êtres mourir de faim ou assumer le lourd fardeau du labeur pour leurs frères.

Chacun a un rôle à jouer dans le motif complexe tissé par l’humanité. Chaque contribution a une valeur unique et nécessaire à l’ensemble. Si pâle que puisse être pour l’instant l’étincelle, il n’existe personne chez qui le feu de la créativité ne puisse être allumé. L’art de vivre est l’art de permettre à ce feu créateur de s’exprimer, et aux hommes de révéler ainsi leur potentiel divin.

Il est essentiel que tous puissent partager cette expérience et apprendre cet art de vivre. Jusqu’à présent, une vie réellement créatrice a été le privilège d’un petit nombre. Dans l’époque qui vient, la créativité jusqu’ici inutilisée de millions d’individus ajoutera un nouvel éclat aux réalisations humaines. Émergeant de l’obscurité de l’exploitation et de la peur, partageant enfin des relations vraies et justes avec ses semblables, chaque homme trouvera en lui-même le but de sa vie et la joie.

La présence du Christ et des Maîtres accélérera ce processus, en inspirant à l’humanité des méthodes de progrès plus saines et plus sûres. Une nouvelle simplicité caractérisera la civilisation naissante grâce aux conseils éclairés de ces Connaissants.

Il existe déjà un sentiment grandissant de l’imperfection de la condition humaine. De plus en plus, les hommes prennent conscience des limitations de leur existence et cherchent comment l’améliorer. Ils remettent en question les méthodes et les structures qui empêchent leur pleine participation à la vie et aspirent à trouver un sens et une finalité à tout ce qu’ils font.

D’ici peu, de nouvelles énergies entreront dans nos vies et inspireront aux hommes une action créatrice. Une stimulation nouvelle et harmonieuse sera donnée à l’art en général et à l’art de vivre. Une beauté jamais vue auparavant transformera la vie des hommes dans tous les domaines et révélera pour toujours la nature divine dans tout son éclat.

L’homme se tient prêt pour la Révélation. Le cœur et l’esprit tournés vers le futur, il attend la gloire que par son aspiration il a lui-même invoqué. [Le Maître de B. Creme, PI, octobre 1983]

Avant longtemps un grand changement se manifestera dans notre approche de la vie. » Ceci est déjà en train de se produire. Un courant souterrain de changement apparaît, une simplification de nos demandes en ce qui concerne la vie, un dégoût croissant du matérialisme et de tout ce qu’il représente à travers le monde. Cela reste cependant quelque chose de très fragmentaire. Il n’existe aucune nation que l’on puisse désigner comme étant, dans son ensemble, à la tête des autres, en ce qui concerne la mise en place de cette transformation.

Au sein de ce pays vaste et complexe, les États-Unis, il existe des groupes isolés de penseurs et de personnes qui expérimentent de nouvelles façons de vivre, qui essaient consciemment de trouver la voie du futur. Tout cela semble plutôt artificiel. Pour utiliser un terme ésotérique précis, ils sont remplis de mirage, d’illusion. Cependant des expériences sont faites et beaucoup de choses sont apprises. Les précurseurs de l’avenir cherchent ainsi de nouvelles structures – politiques, économiques, religieuses et sociales – qui caractériseront cet avenir et feront du chaos actuel une chose appartenant au passé.

Nous connaissons tous le chaos dans lequel nous vivons. On ne peut trouver dans l’ensemble du monde, avec ses six milliards et demi d’habitants, aucun endroit où existerait un semblant d’harmonie, de relations justes. L’harmonie signifie de justes relations.

Tout peintre, tout compositeur, recherche l’harmonie. Celle-ci peut sembler à certains de la disharmonie, mais c’est l’harmonie que l’artiste recherche. Il le fait de manière tout à fait consciente afin de réunir en un tout les différentes parties de son œuvre, qu’il s’agisse de musique ou de peinture. Il travaille jusqu’à ce qu’il soit parvenu à un sentiment d’achèvement.

Comment sait-il que son œuvre est achevée ? Il en sait plus que nous sur le tableau ou le morceau de musique qu’il est en train de créer. C’est son œuvre, mais jusqu’à ce qu’elle soit achevée, jusqu’à ce qu’elle soit un objet fini, elle est ouverte au changement. L’artiste doit prendre la décision d’arrêter. Quelque chose le conduit à reconnaître le moment juste. Celui-ci est venu lorsque toutes les facettes de l’œuvre créée obéissent aux lois qui permettent à l’art de s’exprimer de manière vivante, vibrante.

Il n’existe guère de joie à créer un art sans vie, bien que beaucoup d’art et de musique dépourvus de vie soient créés. C’est peut-être parce que l’œuvre d’art, conventionnelle, sans vie, inerte d’un point de vue rythmique, mélodique et structurel, n’a rien de nouveau à dire, à offrir au monde. Étant conventionnelle, elle répétera de manière plus ou moins efficace ce qui a été fait auparavant, des milliers de fois peut-être. Une copie, à moins de présenter une certaine qualité d’exécution, est déjà morte avant d’être commencée.

Il existe cependant de magnifiques copies faites par les artistes eux-mêmes. Je ne sais pas si l’on peut faire une copie en musique, mais on peut copier le style d’autres personnes. Stravinsky était maître dans l’art de réinventer la musique ancienne et il utilisa de nombreuses partitions de compositeurs du passé pour créer quelque chose d’absolument nouveau, et également sans aucun doute du pur Stravinsky. C’est ce qui est extraordinaire, prendre l’art du passé et le faire entièrement sien.

Son ami Picasso fit quelque chose de similaire en peinture. Il pouvait regarder les œuvres d’art du passé et y sélectionner quelque chose, par exemple chez Vélasquez, Manet ou un autre artiste qu’il admirait ou enviait. Il pouvait s’inspirer d’un tableau qui allumait en lui le feu de la création pour réinventer, en utilisant les formes, les idées, le sujet, l’atmosphère de l’original, et créer quelque chose de totalement nouveau. C’est ainsi que la créativité se manifeste : en prenant ce qui est connu et en le réinventant totalement. Si vous regardez la peinture du passé, si vous écoutez la musique du passé, si différentes de la peinture et de la musique d’aujourd’hui, vous reconnaîtrez les peintres et les musiciens qui réinventent le passé. Ils prennent leurs ancêtres immédiats, s’instruisent auprès d’eux et ajoutent leur voix personnelle.

Comment procèdent-ils ? De quelle façon peut-on introduire sa voix, sa propre individualité, dans un tableau ou un morceau de musique ? Il ne s’agit pas de quelque chose que vous puissiez acheter quelque part et ajouter. Cela doit venir de vous. Comment décidez-vous du moment où cela marche ? N’importe qui peut avoir l’idée, mais c’est autre chose de la mettre en pratique, de telle sorte qu’un fragment d’art du passé devienne un art d’aujourd’hui – nouveau, plein de fraîcheur, intéressant et jamais vu auparavant.

Cela réclame l’usage de l’intuition. Sans intuition, c’est impossible. Aucune création artistique n’a jamais été accomplie sans que l’intuition entre en jeu. L’intuition étant une qualité de l’âme, une manifestation de l’âme agissant à travers sa réflexion – l’homme ou la femme qui compose la musique ou peint le tableau – c’est elle, par conséquent, qui est le feu créateur donnant naissance à l’œuvre d’art. Cela vient de l’âme. Toute peinture et toute musique ancienne de qualité qui vous touche, qui dure, qui garde une signification après des centaines, voire même des milliers d’années, est la manifestation de l’âme.

L’art vient de l’âme. Il est une démonstration, à travers l’intuition, du fait que les hommes et les femmes sont des âmes. Plus ils agissent en tant qu’âmes, plus la qualité de l’art qu’ils créent est élevée. Cette qualité dépend toujours du degré auquel l’âme a été capable de manifester sa créativité, à travers l’homme ou la femme accomplissant l’œuvre d’art. L’art et la culture viennent de l’âme.

En ignorant l’âme, nous construisons des structures telles qu’un nombre relativement peu élevé de personnes peuvent réellement exprimer leur âme au sein de leur culture. Nous sommes tous des âmes, mais nous devons le manifester. Si vous vivez dans les endroits les plus déshérités d’Afrique ou d’autres régions du monde, où il n’existe qu’une forme de vie misérable et rudimentaire, où vous devez travailler dix-huit heures par jour pour tout juste vous nourrir vous-même et votre famille, la création artistique sera rare ou inexistante. Les véhicules de l’âme ont besoin de loisirs pour qu’elle puisse se manifester. L’homme, ou la femme, sont les véhicules de l’âme. S’ils ne disposent pas de loisirs, ils ne pourront guère manifester la créativité de leur âme.

Ce n’est pas que nous ayons besoin de tableaux ou de morceaux de musique pour savoir que l’âme existe, mais puisque l’âme existe, l’homme a inventé des façons et des moyens de lui permettre de s’exprimer. L’homme aime dessiner, peindre, créer de la musique, réaliser son instinct, son intuition de ce qu’est réellement la nature de la vie. Il exprime sa réponse à la vie et aux stimulations que celle-ci lui apporte. Mieux il le fait, plus l’âme est impliquée dans le processus. Plus l’âme est impliquée dans le processus, plus profonde et plus durable sera l’œuvre créée.

Si nous regardons en arrière, nous pouvons constater qu’il y a eu au cours de l’Histoire des périodes où la culture a atteint un niveau élevé et d’autres périodes où elle a connu un niveau relativement bas. Nous pouvons ainsi voir comment l’âme travaille de manière cyclique à travers l’humanité. Il faut beaucoup de temps à l’humanité pour évoluer suffisamment et laisser à l’âme la possibilité de s’exprimer. C’est l’âme, chez l’homme ou la femme, qui exprime sa perception du monde de la signification. Au-dessus et au-delà de l’expérience quotidienne, au niveau de pensée le plus élevé que vous puissiez imaginer, il existe un autre niveau d’être, les plans spirituels. Ce niveau d’être donne à la personne impliquée une conscience du monde de la signification. Le monde de l’âme est le monde de la signification. L’âme connaît la signification de la vie. Elle connaît le but sous-jacent à notre existence. Elle sait pourquoi nous sommes ici, alors que nous l’ignorons. Nous ne savons pas qui nous sommes, ni quel est notre but. Ceci parce que nous avons perdu le contact avec la source de notre être, qui est l’âme. Nous ne connaissons même pas notre triple constitution. Nous ne savons pas que chaque homme et chaque femme sont fondamentalement des dieux en puissance.

Nous sommes des étincelles du Divin, des fragments du Divin, possédant toute la divinité inhérente à cette étincelle. En raison de la nature même du monde, du cosmos, dont une partie est invisible mais s’exprime dans ce que nous appelons la vie, le devenir et l’évolution de cette vie font que l’homme ou la femme créent sur le plan physique extérieur, car c’est là que nos véhicules vivent. Ceci crée les conditions qui permettent à l’âme de se manifester réellement sur ce plan, ne serait-ce que de manière imparfaite.

Sans l’âme, l’homme ou la femme ne sont rien, en admettant que l’on puisse imaginer un homme ou une femme dépourvus d’âme. L’étincelle de Dieu, l’étincelle divine, se reflète en tant qu’âme, et l’âme se reflète en tant qu’homme, ou femme, sur le plan physique. Le plan physique est relié aux plans spirituels par l’âme. L’âme agit comme le divin intermédiaire entre le plan spirituel qui n’est pas dans la matière et la matière elle-même, le plan physique. Ils sont en polarité. L’âme imprègne la vie, elle manifeste la nature de l’aspect invisible de l’homme, l’aspect divin, et le montre dans ses œuvres, qu’il s’agisse de science, de musique, de peinture, d’architecture, ou d’autre chose. L’âme s’exprime correctement avant tout lorsqu’elle crée de justes relations. Elle s’exprime de manière incorrecte lorsque le contraire se produit.

Lorsque nous regardons le monde d’aujourd’hui, nous ne voyons presque rien d’autre que des relations négatives. Si vous avez des relations négatives, vous connaissez le conditionnement. Le conditionnement engendre la guerre. Toutes les guerres, la souffrance, l’incapacité des hommes à se manifester en tant qu’âmes en incarnation, sont le résultat du conditionnement.

Personne n’est condamné à être conditionné. Cependant tout être humain est conditionné par le passé, par ses parents, par la nature même des véhicules qu’il possède, qui ont été créés pour lui par son âme, selon la loi du karma. Cette grande loi détermine la nature physique, la coloration émotionnelle et le facteur mental de chaque individu. Le karma lui apporte la possibilité de créer de justes relations pendant sa courte existence. Nous avions l’habitude de dire pendant soixante-dix ans en moyenne, mais c’est un peu plus long maintenant. Cependant, que sa vie soit courte ou longue, elle donne à l’individu l’opportunité d’aborder ses problèmes, de redresser les torts causés dans le passé et de les résoudre, et de construire ainsi de meilleures relations dans cette vie.

Nous venons en incarnation à maintes reprises afin d’avoir la possibilité de réparer les torts du passé – nos torts, pas ceux des autres. Très peu de gens en Occident croient à la réincarnation, même si un nombre croissant de personnes l’acceptent comme une idée intellectuelle, peut-être vraie. Elles ne savent pas vraiment ce que cela signifie, mais elles disent par exemple : « Peut-être ai-je été un chat dans ma vie précédente. C’est la raison pour laquelle j’aime tellement les chats. » C’est la manière dont les Occidentaux comprennent la réincarnation. En Orient des millions de personnes ont accepté la réincarnation comme faisant partie de la nature même de leurs vies, mais elles non plus n’ont pas compris comment cette grande loi fonctionne.

La vie se déroule selon la loi. Bien que cela paraisse simple et évident, c’est une chose qui n’a pas été prise en compte. Combien de personnes, combien de philosophes parlant du sens et du but de la vie, parlent de la réincarnation comme étant l’une des lois, la grande loi de la vie ? C’est seulement dans l’enseignement ésotérique que la loi du karma, la loi de cause et d’effet, est considérée pour ce qu’elle est.

Jésus a exprimé cela très simplement : « Vous récolterez ce que vous aurez semé. » Cela ne pourrait être exprimé plus simplement ni de façon plus compréhensible, pourrait-on penser. Selon ce que vous semez, que ce soit du blé dans un champ, ou autre chose, vous récolterez ce que vous avez semé. Dans une bonne terre, avec de bonnes graines (si le temps est favorable), vous aurez une bonne récolte. Si vous semez du mauvais blé et si vous ne préparez pas la terre avec soin, vous obtiendrez une maigre récolte. C’est très simple. Jésus s’est exprimé ainsi car il s’adressait à des cultivateurs qui savaient ce qu’il voulait dire. Mais il parle de la loi du karma, sans aucun doute, de manière claire. Il s’est exprimé si clairement que personne n’a pris cette idée très au sérieux. On l’a considérée simplement comme une de ces évidences qui ne sont pas mises en pratique.

La loi du karma, la loi de cause et d’effet, est la grande loi qui gouverne chaque aspect de notre existence. Chacune de nos pensées, chacune de nos actions engendre une cause. Les effets découlant de ces causes font que nos vies sont ce qu’elles sont, en bien ou en mal. Cela dépend de nous. Étant donné que cette loi est sous-jacente à la condition humaine sur la planète Terre, nous y sommes liés. Il n’y a rien que nous puissions faire pour y échapper, si ce n’est pratiquer l’innocuité. Si vous pratiquez l’innocuité, vous obéissez à la loi. Si vous accomplissez des actions justes, de ces actions justes ne pourront découler que des réactions justes. Mais neuf fois sur dix l’humanité a accompli des actions négatives. Nous avons toujours eu des guerres. Nous avons toujours volé. Nous avons toujours fait preuve d’avidité, d’égoïsme, d’autosatisfaction. Toutes ces actions, que l’humanité a accumulées, font que nous avons un monde très destructeur.

Nous avons un monde de séismes, d’inondations, de tsunamis, et autres catastrophes. Nous avons des crashs aériens, des catastrophes ferroviaires, des accidents de voiture et toutes sortes d’horreurs sur le plan physique. Nous connaissons la maladie. Elle nous tue. Elle réduit nos capacités. Elle nous fait vieillir vite. La maladie est le résultat de nos pensées et de nos actions négatives, ainsi que des pensées et actions négatives de nos ancêtres, car nous héritons de la tendance à une maladie ou à une autre à travers notre structure génétique.

Que faire ? Il est évident que nous devons faire preuve d’innocuité dans toute situation, dans toute forme de relation. Lorsque nous pratiquerons l’innocuité dans toutes nos relations, nous découvrirons que le monde est un endroit plus facile, meilleur, plus chaleureux, plus harmonieux à vivre.

Cela semble tellement simple, mais nous trouvons cela incroyablement difficile. C’est si difficile de vivre de manière ingénieuse. Je ne veux pas dire en utilisant des procédés astucieux, mais d’une manière harmonieuse, élégante et pleine de sens, d’une manière pleine de créativité, qui obéisse aux lois de notre nature, au fait que nous sommes des dieux en puissance. Nous avons de la chance si nous jouissons de loisirs nous permettant de devenir créatifs. Sans loisirs c’est impossible. La plupart des gens ne disposent pas de loisirs. Ils peuvent avoir du temps, mais le temps et les loisirs ne sont pas exactement la même chose. Les gens ont besoin d’être éduqués, instruits. Ils ont besoin de stimulation, de conditions de vie où règnent l’harmonie et l’innocuité. Ils ont besoin de manger une fois au moins, et de préférence deux fois par jour, de savoir d’où viendra leur nourriture. Malheureusement, il existe des millions de gens dans le monde qui n’ont pas ce plaisir, qui ne mangent presque jamais, qui ne peuvent se souvenir à quand remonte leur dernier repas. Des millions de gens meurent de faim dans un monde croulant sous la nourriture. Le monde est tellement rempli de nourriture que nous ne savons quoi en faire. Dans certaines parties du monde, on jette de la nourriture tous les jours, alors qu’au même moment des millions de gens meurent de faim. C’est une situation terrible et douloureuse – ou qui devrait l’être. Elle est douloureuse pour ceux qui sont laissés-pour-compte. Elle devrait l’être pour nous tous.

Ce devrait être une douleur, un cauchemar dans nos vies de savoir qu’une telle situation se prolonge jour après jour, d’heure en heure, interminablement. Des gens marchent dans le désert à la recherche d’agences d’aide humanitaire qui, leur a-t-on dit, distribuent de la nourriture. Quelqu’un leur a dit que de la nourriture était distribuée, mais à huit jours de marche dans le désert. Ils prennent leurs enfants et se mettent en route. Telle est la réalité que connaissent des millions de personnes. Ce devrait être si choquant, si pénible, que nous ne pourrions le supporter un jour de plus.

Comme le Maître l’a dit, le moment approche où nous regarderons en arrière vers cette époque absolument incroyable, incapables de comprendre comment nous avons pu agir ainsi. « Quand, dans les temps à venir, les hommes se tourneront vers l’époque exceptionnelle que nous vivons, ils s’étonneront de l’iniquité présente, et auront peine à croire que nous ayons pu tolérer si facilement la cruauté et les souffrances inutiles dont notre vie est entachée. »

Nous prenons cette situation si facilement, même pour ceux d’entre nous qui s’en préoccupent le plus, qui prennent la plume ou la parole pour la dénoncer, qui rejoignent des groupes, et applaudissent le travail des ONG distribuant incessamment de la nourriture. Il est difficile d’imaginer comment, en tant que race humaine, nous pouvons accepter ce genre de situation. «Pendant combien de temps, dit Maitreya, supporterez-vous cette dégradation ? » C’est une dégradation de notre vie. C’est une dégradation de notre réalité en tant que dieux potentiels. Nous sommes des êtres soi-disant spirituels qui ne manifestent pas leur spiritualité. Nous le savons, mais nous ne faisons rien. Nous n’en avons pas la volonté.

L’humanité dans son état présent est capable de voir le mal, les besoins, les horreurs du monde d’aujourd’hui, de secouer la tête en signe de désapprobation et de faire un don à une ONG. Mais nous pouvons rapidement rejeter tout cela de notre esprit, nous sommes incapables d’y faire face et de faire agir notre volonté pour qu’une telle dégradation ne soit plus acceptée. Ce qui est nécessaire, c’est que la volonté de l’humanité, et pas seulement sa consternation, soit suscitée pour débarrasser le monde de ces maux.

Il existe bien d’autres iniquités dans le monde, la douleur et la souffrance, la maladie, la toxicomanie. La manière dont nous utilisons les autres, notre incroyable intolérance envers les gens d’autres nationalités, d’autres couleurs. Nous croyons être assez bien éduqués, évolués. Il est évident qu’il n’en est rien.

Seul Maitreya pourra montrer à l’humanité cette iniquité dans toute son horreur. Nous savons tous que ceci est horrible, mais est-ce si douloureux ? Pouvons-nous y penser sans perdre notre sérénité ? Si nous pouvons y penser sans que cela nous perturbe outre mesure, il est évident que nous ne sommes guère civilisés, ni évolués. Les Maîtres considèrent que l’humanité a atteint un niveau où elle est prête à apprendre. C’est la raison pour laquelle ils sont ici. Nous les avons invoqués en étant prêts comme jamais auparavant à suivre leurs préceptes et à créer l’harmonie et la justice.

C’est l’harmonie que l’artiste recherche. Son œuvre peut ne pas sembler très harmonieuse aux autres, suivant le peintre ou le compositeur, mais lui-même cherche à atteindre le point exact où il sait qu’il est parvenu à créer une harmonie, une vie, dans son tableau, ou son morceau de musique, le moment où celui-ci obéit aux lois de la création artistique, où il est achevé, et où il sait qu’une autre touche de pinceau, ou une autre note, l’abîmerait, en détruirait l’équilibre. L’artiste est sans cesse à la recherche de l’équilibre. Il peut ne pas le faire consciemment, mais si c’est un bon peintre ou un bon compositeur, il le fait inconsciemment. Son sens de l’intuition le guide dans l’application des couleurs, la création des formes, car il n’y a personne d’autre pour le faire. Seule son intuition le guide. S’il la suit, il tend à l’achèvement et cet achèvement est l’unité.  

Si déséquilibrée que son œuvre puisse paraître au premier regard, il doit créer un équilibre. Vous ne créez pas l’unité en amenant tout à un état statique. Vous pouvez créer l’unité en créant une situation non statique et en l’amenant à l’équilibre. Cet équilibre est la vie du tableau ou de la composition musicale, ou la vie de la communauté dans laquelle vous travaillez.

Lorsque l’humanité pourra créer un équilibre dans tous les aspects de sa vie, nous saurons que nous créons des relations justes. Des relations justes sont fondées sur l’innocuité et l’équilibre. L’équilibre est une harmonisation. Il existe plusieurs facteurs dans la vie et vous devez les réunir, comme les nombreux facteurs qui interviennent dans un tableau, ou une sculpture. Vous devez le faire de telle manière qu’à la fin vous ayez créé un équilibre, un véritable équilibre, pas quelque chose de mort. Vous créez ainsi une structure vivante. Si vous voulez une harmonie dans la couleur, vous pourriez peindre tout d’une seule couleur. Mais vous voulez exprimer de nombreuses couleurs, de nombreuses facettes, de nombreuses tonalités, et vous devez travailler plus dur, utiliser votre intuition pour amener tous ces facteurs à un état d’équilibre. L’équilibre n’est pas quelque chose de statique.

La vie est la vie lorsqu’il existe un équilibre. Quand il n’y a pas d’équilibre, elle est destructrice ou statique, sur le point de mourir. La vie statique est statique seulement pendant une fraction de seconde. Le statu quo est le dernier moment, mais vous avez déjà dépassé le dernier moment. Le statu quo n’existe donc pas. Il y a toujours du mouvement, et ce mouvement cherche la stabilité. Il cherche l’unité, un autre mot pour l’équilibre.

De même, tout le monde est en quête d’unité. Dans sa quête du sens de la vie, chacun recherche l’unité. Les hommes désirent faire partie d’un groupe, partager l’existence humaine, car ce sont des âmes. Ils sont déjà divins et la nature de la divinité est l’unité. Il existe des millions et des millions de manifestations de cette divinité dans l’univers, mais la nature de la divinité absolue d’où procède toute chose est unifiée, immobile, sans fin, éternelle, immuable. Elle se trouve derrière chacun d’entre nous. Comme le dit Maitreya, c’est l’Être de l’humanité. Le devenir est ce qui se passe lorsque cet Être prend la forme du vivant. Nous traversons le processus de l’évolution ; c’est le devenir. En essence, nous sommes le Soi, qui est divin. La divinité, lorsque nous pouvons la saisir, la comprendre, la reconnaître, nous donne l’expérience de ce que nous appelons la vie. Tel est le sens et essentiellement le but de ce que nous sommes.

Auteur : Benjamin Creme, (1922-2016) : artiste et ésotériste britannique, ancien rédacteur en chef de Share International. Son contact télépathique avec un Maître de Sagesse lui permettait de recevoir les informations les plus récentes concernant l’émergence du Christ et de s’exprimer sur les enseignements de la Sagesse éternelle.
Thématiques : sagesse éternelle, spiritualité
Rubrique : Dossier ()